Le verbe aimer

Muse inspiratrice

L'homme fait ce rêve,
Sans tomber dans les traverses,
Boire à la femme, 
Muse insaisissable,
Lui vouer un culte,
Mais un parfum est-il fugace ?
Sans la poétesse,
Ma prêtresse,
Je suis un puits périssable,
Asséché et mon être s'y noie,
Dans l'indéfinissable,
Les devins, ma détresse,
Ont lu ce matin mes étoiles,
Et le ciel s'assombrit,
Cette femme a chassé mes oublis.
Où que tu sois,
Muse de mon âme éprise,
Inspire-moi, la cruelle,
Epouse mes affres.
Viens te jeter sur mes flancs,
Ne m'épargne aucun tourment !
C'est là que je trouve l'inspiration.

journal posthume

Visite de Paul

Mon ami Paul vient de me déverser un de ses drôles de romans tragiques. Encore une histoire de femme vénale ! Elle s’était rapprochée, pour profiter de lui, pour se mettre en avant, pour briller des faux diamants qu’elle croyait pouvoir obtenir, une fausseté pitoyable. Elle avait profité de la différence d’âge, de son petit déhanché sournois. Elle avait agité les mains et les pieds. Le pauvre Paul avait succombé à ses œillades. Je n’ai aucune excuse, m’avoua-t-il. Quand la vie nous plonge dans le plus grand désarroi, on a de soi quelques lambeaux à ramasser, mais en vérité, il s’agit d’une véritable faille, la faille par laquelle je l’ai laissée m’avoir. Je savais que quelque chose n’allait pas. Mais, à ma façon, ça me plaisait d’être aimé. Pauvre type ! Je lui fis quelque tapes dans le dos. Il y en a plus que nous l’imaginons de ces femmes. D’ailleurs, la plupart des gens sont faux et ne s’approchent de vous que pour un intérêt personnel. Mais Paul ne m’écoutait pas. J’ai perdu la femme de ma vie, et lui, il a perdu ce qu’il ne possédait même pas. Un mirage de plus ! J’ai de la chance d’avoir de fidèles amis. Des amis depuis l’enfance, et des rencontres solides faites en cours de vie. C’est vrai, je pense toujours à elle. Elle me hante. Elle me tient tout entier. Nos années, nos années, je les retiens avec toute la rage d’un homme qui n’en a pas d’autres.

journal posthume

L’enfer

Un homme plonge dans les enfers. Il sent le soufre. Il sent la chair. Il sent aussi toute sorte de putréfaction. La peau craquelle, brunie par les émanations des mondes souterrains. Le corps chancelle et les tâches s’amoncellent. Sa jeunesse, au sang chaud, s’en est allée dans les remords. Il ne ment pas. Il parle avec parcimonie, sans délétères mortifications. Sa sortie des ténèbres en fait un pantelant bonhomme. Il pèse chaque instant. Ne plus être un consommateur, plutôt un consommé alternatif. On peut apprendre de ses erreurs, beaucoup apprendre. On peut tout aussi bien s’enfoncer encore plus loin. Persister à n’être qu’un mi-homme. Celui-là, il décide de le placer tout contre un mur et de le regarder droit dans les yeux. Maintenant, il lui dit : Tu ne tromperas plus personne, à commencer par toi, pauvre sot !

journal posthume

Connais-toi !

Quand l’homme ne se connaît plus, qu’il est sans cesse dans l’acquis, il n’est pas loin de sombrer. Celui qui se contente des émotions en enfilade s’est accroché à la coquille. Celui qui s’accroche à la coquille est voué à disparaître. Aller jusqu’au bout, c’est se laisser guider par l’invisible, par l’esprit des choses. Celui qui s’identifie à ses émotions, celui qui s’identifie à ses images est un être figé. D’où nous vient d’écrire ? D’où nous vient de poser les mots comme autant de jalons sur une voie que l’on ne connaît pas ? D’où nous vient d’être ? La superficialité, le fait de ne pas se connaître fait de nous des êtres à-demi… Le connais-toi est la pierre fondatrice de tout homme. Les cancres ne cherchent qu’à masquer leur ignorance. Quel brouillard ! Quelle nuée ! Nous revenons de loin. Beaucoup se pensent évolués parce qu’ils portent des costumes à leur image. Des prétentions de l’écriture et des prétentions à l’Art. L’âme est inspirée. Le travail à la Flaubert, suée sang et eau engendre un art mécanique, alors que les écrivains d’aujourd’hui n’arrivent même pas à sa cheville. Maupassant s’était bien aperçu de l’autre face cachée avec son Horla. L’hypocrisie de certains est manifeste. Faite donc du yoga à la place ! Les supermarchés de l’écriture, ainsi que les supermarchés spirituels sont les mêmes. Poésie de gare, et mots égarés. Je crois à l’inspiration. C’est l’entre-deux. C’est le temps de l’apnée et c’est le temps du vivant. Seulement, l’on confond instantanéité avec instant. L’on confond inspiration avec mécanicité. Rétrogradation de l’homme. C’est un constat définitif, mais non fermé. Connais-toi, bon sang !!!

journal posthume

La voix du silence

De l’incohérence au démembrement : La poésie fusionne avec le corps. Comment voulez-vous la découvrir dans le débordement plat, sans ligne de conduite ? Je lis, ça et là, de la fabrication poétique, trouve de la faconde artistique, mais point d’âme. Il ne suffit pas de dire « silence » pour être saisi par celui-ci. Tout comme il ne suffit pas de dire « âme » pour être entré dans le mystère et avoir été submergé par lui. La magie ne tient pas dans les mots mais dans les cœurs en soubresaut. Le mot est effusion d’un monde qui touche au Divin. La lumière anime ces sculptures étreintes par l’âme. Le mystère n’est pas inaccessible, il est juste infini, illimité. Il est des êtres qui sont passés de l’autre côté et je l’ai vue assaillie par la lame de fond, par la brisure. Ses yeux avaient plongé et avaient vu. Elle en rapportait parfois des nouvelles, mais, jamais elle n’en revenait véritablement. C’est cela l’œuvre d’art : n’en jamais revenir. ne jamais plus écouter des chansons de basses gammes, ni d’être attiré par ce qui est superficiel, ne plus se perdre dans les bruits sans fond. Il faut longtemps avant d’épouser la voix du silence. C’est ce qu’Édouard me répétait quand il me trouvait ravagé par son absence. Je ne comprenais absolument rien à tout cela. Absolument rien ! Pourtant, petit à petit, les morceaux ont choisi de se placer, un à un, à leur juste place. Ce n’est pas ce que l’on croit. N’allez pas imaginer une seule seconde que cela correspond avec ce que vous connaissez.

humour mordant

L’Art

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Les quartiers sont les villages de notre conscience. Le quart, ce quart qui met en partage. Et l’Art ? Car, l’Art n’est pas originalité, mais origine. Si l’art n’élève pas, c’est alors confondre un restaurant avec un fast-food. L’Art percute notre âme. Mais, il ne la viole pas. Je pense que nous confondons l’art et les problèmes psychiatriques de certains. Confondre bruit et musique. Confondre atelier et zone industrielle. L’Art devenu égouttoir des impasses de notre psychisme. Bon, je veux bien de l’art thérapie… L’œil d’un homme coincé dans ses dédales et la galerie s’amuse. Mondanités des faux-culs. La citrouille d’un gargarisme hoquetant éclatée sur une toile blanche. Il y en a qui n’ont pas peur. Le ridicule ne tue pas, dit-on. J’ai beau scruter longtemps un tableau, je ne trouve pas qu’une patte de mouche sur un fond noir puisse faire jaillir le meilleur de moi-même. L’Art dans tous ses états !!!

Le verbe aimer

L’aimer

L’aimer comme un homme peut aimer, comme un homme peut se perdre. L’aimer comme on aime la femme, le cœur mutilé, puis le cœur serré jusque dans ses bras. L’aimer, jusqu’à la vénérer, la poser sur un arbre, délesté des rougeurs sculpturales. L’aimer à se perdre dans les aimer, aimer, aimer ! Le buisson tremblant à la lumière de son aura. L’aimer jusque la chanter, lui dire ce que l’on ne dira jamais. L’aimer jusque dans les frémissements des vagues au large. L’aimer jusqu’à ce que le blanc des sables s’éteigne à la pâleur de nos draps. L’aimer puis l’aimer, perdre le ciel, la terre, le froissement du vent, les premières neiges, les pas que l’on n’ose pas. L’aimer sans faillir l’aimer, sans oublier de l’aimer, la saisir par les mots et le regard. L’aimer jusqu’au cœur, et se cacher pour la voir. L’aimer apprenant à l’aimer. L’aimer dans sa voix profonde et le mystère de sa lumière. Lui murmurer : Ne bouge pas ! Surtout ne bouge pas !