humour mordant

Homo blablatus

C’est dit et fait : je ne crois plus en l’homme ! Bon ! je n’y ai jamais vraiment cru. Trop pas assez cuit. Non ! Non ! Je ne crois pas du tout en l’homme. On nous a bassiné depuis l’enfance : Ne croyez en rien, ni Dieu, ni père, ni mère. Oh ! Les sauvageons ! Anarchistes amers. Les pâquerettes, les petits oiseaux et la cour des pégueux. Ce monde périt d’incroyance ! La petite monnaie qui sonne creux et les croisières du dimanche. Ne pas y croire ! Ne pas croire c’est ne pas être. Cela tourne en rond. Les folies bergères, et les amuse-gueules. Hé ! Fred ! Ne charrie pas ou tu finiras dans l’caniveau. Non ! Non ! Je vous le dis sans détours : je ne crois pas à la poésie, ni aux petits mots, ni aux déguisements, ni aux mielleux propos, ni à la poudre de perlimpinpin. Quelle belle mascarade cet homme ! Et bla bla bla ! Et bla bla bla ! A se taper le cul par terre ! Si vous y croyez encore, je n’y crois pas non plus.

journal posthume

Myosotis

Sa beauté m’atteignit jusqu’à ne plus savoir, ni même y renoncer. Elle faisait ressurgir l’enfant, la douceur et ma violence. Je m’y noie encore, ivre d’avoir à peine saisi son parfum, sa volupté. Je ne suis pas de ce monde, me répétait-elle. Et je me retournai avec la surprise de m’y reconnaître. J’étais la brume, elle était mes mots. J’ai su que l’on pouvait mourir d’aimer. Mais, même si la poitrine se contracte, si le ventre se tord, je chéris ces instants où elle me visite par mon corps, par mes souvenirs. J’étais son roc, j’étais sa cime, ou tout du moins lui faisais-je ainsi savoir. Après son départ, je courais dans la ville pour la retrouver. Pauvre de moi ! Toutes les femmes devenaient « elle » et je la soupçonnais de m’observer aussi. Combien de fois ai-je sursauté en croyant l’apercevoir ? Une femme vous hante et le monde n’a plus aucun goût. Je me vautre dans mes songes. Je me laisse aller. Ces jours passent et je m’éveille comme un fou. Je n’ose plus rien dire à personne, pas même à mon grand ami Édouard. Bon ! j’ai regardé dans le bleu d’un myosotis et celui-ci m’a donné quelques nouvelles de ma belle.

journal posthume

L’art des mots (1)

Le vieux loup de mer que je suis est un véritable monstre des eaux, un rustre qui n’aime pas les manifestations sentimentales. Avec l’âge, je ne supporte presque plus les éloges, ni les mielleux propos. Par contre, je ne peux m’empêcher de m’enthousiasmer, non pas devant les pratiques de l’écriture, ni des compositions factices, mais devant le vrai, l’audace de vie. Je ne rejette pas la personne, quelle qu’elle soit, mais, je ne peux m’accorder à ces rivages égotiques. L’art n’est pas un fleuve abondant de mots juxtaposés, de borborygmes ajustés selon les humeurs du paraître. J’ai besoin de sentir le bon et la brute des mots… Certainement pas le truand. Très peu de gens peuvent nous atteindre, nous heurter, car les mots recèlent le soufre de la vie, les feux de la passion, l’antre des flammes. Ecrire, c’est entrer dans la pierre, se forger dans le fer, se pulvériser dans la matière. Faire éclater les mots, c’est avoir soi-même vécu les lianes sanglantes des lettres, la forme échancrée de leur courbure. La personne est ce jaillissement tectonique des vibrations d’un volcan, la pulsion d’une salamandre au milieu des flammes.

journal posthume

Homme et femme

La poésie d’une femme, aux courbes délicates, ma transparence, mon transpire, mes émois, les paroles de son corps, les résonnances de sa fleur. De cet émoi qu’un homme cherche, à l’évocation de son accord, sa puissante création. J’inscris mes murmures dans la soie de sa chair et je respire l’origine sacrée. Féminin sacrée ! J’ai tenu la paume de ses courbes et retrouvé la très lointaine épousée. Quelle caricature, de nos jours, des ébats sexuels, alors que l’homme et la femme, sont de nature à s’épancher à la source de leur fécond échange, leur retrouvaille corps, esprit et âme. Mon regard tressaute, Ô femme, à ton parfum, l’effluve de l’essence, le sentier de notre rencontre. Homme et femme ! C’est ainsi que tout le souffle de mon attachement s’apaise. C’est en lui que ma vie a son sens. Homme et femme ! Grâce et senteur virginale de nos mots nuptiaux, à la différence de notre vibration mutuelle. Homme et femme ! Beauté des complétudes, primordialité de notre corps. Homme et femme !

journal posthume

Fiat Lux

L’homme cherche le meilleur de lui-même, sans savoir pourquoi, mais il glisse dans l’impénétrable vallée boueuse à l’extrême. Il tend une main affable sans savoir ce qui l’anime et d’un accueil lumineux, s’efforce de ne pas paraître disgracieux. Il est des infidèles qui éprouvent l’indifférence face au tournoiement du feu commémoratif dans le bleuté du ciel. L’homme cherche en elle, comme une compagne graciée du ciel, au charme juvénile d’une Vénus. La liberté est crue, sans fausses lumières, et du Fiat Lux, l’on est saisi par cette suprématie. Nulle apogée si ce n’est par cette fraîche rosée lustrant notre sommeil. Pourquoi recherchons-nous ce tout commencement ? Ce sentiment d’avoir été heurté par une voix qui nous répète que cela a un sens ? Je l’ai rencontrée…