Il me semble qu’un homme s’appauvrit en avançant dans l’âge et c’est ainsi qu’il n’est plus livré à l’autorité despotique qui est celle de sa propre illusion. L’alcool du rêve, (mais de quel rêve parlons-nous ?) est la manifestation d’une dérive, d’un puissant narcotique que l’on appelle égocentrisme. Pourquoi parler de rêve, d’ailleurs ? Que représente-t-il si ce n’est un imbroglio statué de légitimité égoïste ? Non ! Je ne peux me le permettre. J’aspire, oui, j’aspire avec la part humaine et celle aussi qui se réalise dans ce l’on appelle le dépassement, j’aspire à atteindre ce qui anime tout mon être. Mais il ne s’agit pas de rêve. Nous avons manqué plusieurs rendez-vous, durant notre existence, mais nous reconnaissons que le dernier rendez-vous, celui avec notre maturation, avec notre synthétisation lucide et extatique ne sera pas perdu, ni vain. Je ne me « fais » pas à partir de mes certitudes, mais plutôt à partir de mes déconstructions. Maintenant ! ici ! Et avec l’élan crucial, chirurgical. Je ne vais pas me rater. Non ! Je le revendique avec une certaine hargne, mais, je serai telle cette force qui m’empoigne. Lorsque l’on a perdu quelqu’un de cher, c’est une part de nous que nous perdons. En elle, il s’inscrit un message intense : or, je ne perdrai pas le message… Ah Non ! Ne confondons pas rêve et aspiration ou état. Le rêve est psychique et mental. L’aspiration relève du réel. Je reste profondément attaché à la réalité platonicienne. Je suis un travailleur, un homme qui aime observer. Je fais acte de fusion avec la vie. C’est elle qui m’apprend et qui me jette la réalité vivante avec la pointe aigue d’une flèche. J’écoute ce qui m’aide à aller au-delà et non pas ce qui m’endort. Étonnamment, cette intelligence est une destructrice. Mais elle ouvre la blessure et miracle : l’on voit fuser la lumière. Il faut être prêt pour percevoir cela. Je ne suis pas un ouistiti qui s’agite. Je ne suis pas un fabriquant de perlimpinpins. Je ne suis pas dans un copier-coller baveux. Eh ! Bon sang ! La vie est belle ! La vie est difficile ! Elle creuse. Elle s’appelle Dieu, Principe, Lumière, Grâce, Vivant. Waouh ! Elle vous heurte et vous dit de ces choses. Ah ! Celle-ci ne nous manque pas !!!
Catégorie : journal posthume
Beauté
La beauté des mots, le geste est évident. Aller au plus loin que ce présent, entrer en communion. J’ai rencontré l’infini dans l’être et je le serre tout contre moi. J’ai vu l’esprit du geste. Il m’atteint et je m’arrête. Je t’ai rencontrée.
Poème du cœur
L’étudiant éternel, voilà celui que je suis. Je ne sache pas être autrement. Voilà pourquoi je suis souvent absent ici. Il m’arrive de rester durant des jours dans mon atelier. Je restaure quelques vieux outils. Comme de coutume, Édouard passe me voir et nous conversons assez longuement. Je suis aussi en train de réviser mes cours d’astrologie et d’astronomie. Il s’agit d’éléments de connaissances qui nous aident à charpenter notre relation avec l’autre. Je ne suis certainement pas un bon élève, mais j’aime apprendre. Apprendre, c’est surtout désapprendre. Sans cela, je crois que nous sommes tous bons pour la camisole. Et, l’on peut dire que le monde en est à ce stade. Ce qui m’insupporte c’est le suivisme des uns et des autres, comme si nous étions incapables d’être originaux, singuliers et tutti quanti. La laboriosité des poètes, des écrivains me sidère. Je crois que nous patinons sur de la semoule. Le monde est ingénieux mais guère créatif. Quand j’écris, je me sens à la limite de l’écartèlement. Je transpire les mots. Ils me broient, me martèlent, m’usent jusqu’à l’os. Cette fraîcheur est le fruit du labeur. Il est des êtres qui écrivent comme des fous et entrent dans l’onde mirifique de leur âme. Poètes scolaires et poètes de l’heure. Leurre ou l’heure ? C’est comme la musique : il y a des musiciens scolaires et qui savent bien faire et ceux qui vous lancent la flèche inépuisable jusqu’au cœur. Vous êtes bouleversés pour de longs moments. Si la poésie ne parle pas à mes tripes, si elle ne relance pas le véritable sort de l’Albatros, si elle ne vient pas vous heurter dans votre confort, si elle ne vous arrête pas, que dire ? La poésie n’est pas un ornement de gosses de riches, sans étincelle. La poésie. C’est l’essence de notre vie, l’épée de notre incarcération. Fine et tranchante, lumineuse et aimante. Vraie !
Brume
Nos brumes parfaites, et celles que l’on nourrit à l’aube chantante, puis les brumes imparfaites, traitresses qui rime avec maitresse, mais qu’aucun ne semble connaître, car d’aimer est devenu la brume incandescente de mon souffle, sur les vitres insolites d’une fenêtre d’antan. Nos brumes sont parfois des brouillards que l’on traverse sans rien voir, et l’autre brume est une buée logée en plein cœur. Elle fait mal. Elle transperce les opacités comme l’érosion lente de nos emmêlées. Mais, l’homme, l’homme, qui sans cesse ressasse, sans ôter ses illusions, sans même voir son marché de dupe, qu’est-il devenu si ce n’est sa propre illusion ? Parfois, il me semble que s’endormir est une fuite. Certaines brumes sont les clartés de demain, oui, je peux l’écrire, pour peu que l’on ose enfin renoncer à ce qui, d’une certaine façon, est indigne même du renoncement.
Âmes délicates
Il est des âmes délicates et sensibles. leur visage en est la parfaite illustration. Tout comme leur manière de manger, de s’asseoir, de parler, de regarder. Il faut prendre le temps de voir, d’apercevoir cette fragilité. Avez-vous observer qu’aucun être n’est vraiment le même ? Et pourtant, la forme absolue détermine notre être. Je suis touché par ces singularités, que l’on peut retrouver aussi chez l’animal. Chaque créature est un langage. Par cela s’établit le rapport. Mais, aussi, autre chose intervient. Par exemple, l’odeur, l’aura, les vibrations. Il faut beaucoup de temps pour « capter » cela. Il faut encore plus de temps pour pénétrer les parts intimes de l’autre, celles que l’on couvre avec beaucoup de mansuétude. Faut-il avoir pris le temps, aussi, d’observer nos propres mécanismes, nos propres orientations, nos propres réactions et tout ce qui parle en nous-mêmes. Très peu de gens parviennent à s’introspecter, et s’ils le font, ne sont que dans la projection permanente de leur monde, une sorte de boucle incessante, dans laquelle ils s’enferment sans même le savoir. Or, depuis que je me penche sur la question, je remarque que nous ne savons pas nous écouter, ni nous voir, ni saisir ce qui est entre-les-deux. C’est-à-dire, ce qui n’appartient ni à ceci ni à cela, mais ce qui s’ouvre dans l’instant. Je suis touché par les âmes délicates qui expriment, même à leur insu, leur détresse. Je pense que nous savons très peu prendre du recul. Plus que tout, nous ne savons pas nous défaire du monde que nous nous fabriquons sans cesse. Le mythe de la Caverne de Platon est édifiant. Le mythe de la tour de Babel aussi. Les projections mentales sont le poison le plus mortel qui soit. Nous considérons que les ombres projetées sur les parois de la Caverne sont la réalité. Pourtant, ces ombres nous détruisent. Elles nous font manquer la véritable dimension existentielle. Plus nous avons peur et plus nous nous fabriquons ces ombres que nous chérissons avec, d’ailleurs, un acharnement époustouflant. Tant que nous n’aurons pas compris que nous sommes tous une part de l’illimité, nous dresserons des barrières meurtrières entre nous. Nous croupirons dans nos jalousies, nos mesquineries, nos mensonges, nos dénis, notre incapacité de considérer l’autre comme un autre soi-même. Et nous continuerons de fabriquer les chaines de notre enfermement.
L’appel de la forêt

Nous avions une guitare et le feu pour seul compagnon. Au loin, comme une plainte, un long gémissement, un frisson dans la nuit, les loups hurlaient à vous fendre les os. Je n’osais bouger, glacé par cette présence pesante et malgré le grand feu qui crépitait, les flammes gagnant toujours plus de hauteur, j’osais à peine respirer. Ils continuaient de lancer au ciel leur imprécation. Ou bien s’agissait-il d’autre chose ? Je fus pris du désir ardent de les comprendre, de saisir leur langue, de parler comme eux. Je les imaginais sans peine, dans la forêt profonde. Je me souvins de Jack London, de son puissant Appel de la forêt. Combien de fois l’avais-je lu ? Combien de fois avais-je partagé mon enthousiasme avec Jean-Marie ? Etais-je en train de délirer ? Cette noblesse chez les bêtes m’a toujours fasciné, et à part quelques unes d’entre elles, en particulier la hyène, j’aime leur force et leur incroyable sagesse. Une fois de plus, l’appel retentit. Le loup argenté apparut et se tenant à la lisière de la forêt, il me fixa des yeux. Nous nous regardâmes durant un moment qui me sembla long et surnaturel. Si je vous dis que je me suis retenu de pleurer, me croirez-vous ? Et si je vous dis que la peur avait complétement disparu, me croirez-vous aussi ? Qu’était-il à me transmettre, ce loup, dont la sagesse ancestrale était certaine, elle, qui m’avait submergé et avait réchauffé mon corps ?
L’Alhambra

Dans les ruelles qui sentent l’eau d’une vie, pur jasmin odorant, subtil comme un cœur épanoui, le soleil fait une pénétrante intrusion jusque dans les jardins du crépuscule. Mais voici que la cité rougeoie et flamboie des feux intérieurs d’une fontaine. Ces effluves sont la poésie qui fleurte avec l’atemporel. Il n’est aucun cœur de poète qui n’éprouve la volupté des mots. C’est ainsi que le monde périt des figements insalutaires des pensées devenues pierres. Mais, heureux ce trouble au matin, quand le jour réapparaît dans une lueur. Les cours scintillent de douces rosées déposées comme par enchantement et, par le pouls de mon corps, se dilatent, soudain, les pétales du printemps.
Coup de sang !

Pourquoi pleurons-nous un monde qui n’a plus rien d’attrayant ? Sommes-nous de fieffés égoïstes ? Alors que certains enfants, spoliés de leur subsistance, mangent des galettes d’argile ? Avons-nous le droit de nous révolter pour ceci ou pour cela ? L’homme blanc devrait se taire. Nous avons été des gens violents, usurpateurs, voleurs. Notre mémoire est loin d’être réjouissante. Mais, nous continuons à faire les enfants gâtés. Parfois, j’en ai un tel dégoût que je me dis : Trop, c’est trop ! Ça suffit ! Que tout explose, une fois pour toute ! Ce sont les mieux lotis qui sont toujours à se plaindre. Ne parlons même pas des enfantillages stéréotypés de la poésie à deux sous ! Ouais ! Très rares sont ceux qui sortent de leur nombril et poussent un peu plus loin la réalité de notre monde. Pourquoi ai-je déserté certains blogs ? Ça pue le faux et j’en passe avec ces coins à la Prévert et Saint-Germain-des-Prés. Les néo-bobos faussement poètes et bohèmes. Ça sent la vitrine de surface. Toujours les mêmes « bleu » et les mêmes oisillons. Cui cui ! Pourquoi pas la poule et le cocoq ? A en pleurer d’ennui ! Je sais sentir le « faux » à des miles. N’allez plus sur leur blog et ils vous rayent de leur liste. Du pur égocentrisme à la noix ! Alors, quand je vois ces écrivains du dimanche qui s’auto-éditent en pensant qu’ils sont passés à la postérité, je ne peux m’empêcher de rire. Bon ! C’est mon coup de sang ! Entre les bobos écolos et les autres ! Ah ! C’est pitoyable. Ils se vantent alors qu’ils sont les enfants de la sale mémoire, et j’en fais partie ! Ouais ! Seulement, je ne vais pas m’illusionner. Je pense que la vraie poésie, la vraie littérature doivent s’extirper des sentiers artificiels et trouver autre chose ! Ouais ! Il faudrait trouver un réel rebondissement. Tout le reste, c’est du bof !
Le temps
L’on aimerait que tout soit lisse, bien propre et que les charmants soient des princes. La vie passe et un cortège funéraire vous salue. Les nues de votre cœur, ma belle, les nues de vos aspirations et puis, l’homme jette un journal dans une poubelle ; l’autre baisse son chapeau sur le front. Même en perdant tout, l’on aime encore. Un talon au tournant d’une rue et la vie vous semble le terrible mystère qui fuit. Chaque passant est une histoire, parfois sordide, parfois étrange. Je ne peux m’empêcher de voler la vie des gens. Chaque fois qu’ils passent, j’en prends un peu sous mon bras. J’entends le cliquetis des clés, puis, plus loin, je surprends un garnement qui chaparde une pomme. L’autre est assis sur les marches d’un escalier et joue avec des soldats en plomb. Qui es-tu qui rêves aux étoiles, ma douce ? Ton cœur est lourd mais ton âme légère. L’horloge marque un pli sur les rides du temps et j’aimerais soudain saisir un voile et te parler tout haut. Non ! La mort est semblable à la vie : une abnégation. Ce sont les épaules voûtées qui goûtent, oui, qui goûtent les petites perles du temps. Alors, cesse, toi, homme d’aboyer car tu es un cancre qui n’a pas su vivre. Ces crachins au visage, quel manque de sagesse ! Le temps ensevelit la lie, l’amertume sur les commissures de tes lèvres. Alors lisse ton cœur raidi par les humeurs criminelles.
Myosotis

Sa beauté m’atteignit jusqu’à ne plus savoir, ni même y renoncer. Elle faisait ressurgir l’enfant, la douceur et ma violence. Je m’y noie encore, ivre d’avoir à peine saisi son parfum, sa volupté. Je ne suis pas de ce monde, me répétait-elle. Et je me retournai avec la surprise de m’y reconnaître. J’étais la brume, elle était mes mots. J’ai su que l’on pouvait mourir d’aimer. Mais, même si la poitrine se contracte, si le ventre se tord, je chéris ces instants où elle me visite par mon corps, par mes souvenirs. J’étais son roc, j’étais sa cime, ou tout du moins lui faisais-je ainsi savoir. Après son départ, je courais dans la ville pour la retrouver. Pauvre de moi ! Toutes les femmes devenaient « elle » et je la soupçonnais de m’observer aussi. Combien de fois ai-je sursauté en croyant l’apercevoir ? Une femme vous hante et le monde n’a plus aucun goût. Je me vautre dans mes songes. Je me laisse aller. Ces jours passent et je m’éveille comme un fou. Je n’ose plus rien dire à personne, pas même à mon grand ami Édouard. Bon ! j’ai regardé dans le bleu d’un myosotis et celui-ci m’a donné quelques nouvelles de ma belle.