Non classé

Lumière

La discrétion d’une femme a l’élégance qui vient cogner tout contre mon cœur. Cette douceur et sa transparence évoquent le silence qui rejoint une ligne de passage. Le silence d’une femme traverse la lumière, et je frémis de sentir sa force. Car, la femme possède le mystère, tout autant que le mystère la possède. Le parfum qui en émane est celui qui se pose tout contre mon inquiétude et j’aime de la femme, sa pudeur. C’est alors que je ressens sa rectitude. Son être respire tous les lointains, tous les rivages, et de voir en elle, ma complétude, fait de moi, un être qui se cherche. Je ne saurais aimer une femme aux implacables démarches, qu’une violence anime, à l’image des rapaces, et qui détruirait en moi-même, la douceur de mon âme.

Le verbe aimer

L’aimer

L’aimer comme un homme peut aimer, comme un homme peut se perdre. L’aimer comme on aime la femme, le cœur mutilé, puis le cœur serré jusque dans ses bras. L’aimer, jusqu’à la vénérer, la poser sur un arbre, délesté des rougeurs sculpturales. L’aimer à se perdre dans les aimer, aimer, aimer ! Le buisson tremblant à la lumière de son aura. L’aimer jusque la chanter, lui dire ce que l’on ne dira jamais. L’aimer jusque dans les frémissements des vagues au large. L’aimer jusqu’à ce que le blanc des sables s’éteigne à la pâleur de nos draps. L’aimer puis l’aimer, perdre le ciel, la terre, le froissement du vent, les premières neiges, les pas que l’on n’ose pas. L’aimer sans faillir l’aimer, sans oublier de l’aimer, la saisir par les mots et le regard. L’aimer jusqu’au cœur, et se cacher pour la voir. L’aimer apprenant à l’aimer. L’aimer dans sa voix profonde et le mystère de sa lumière. Lui murmurer : Ne bouge pas ! Surtout ne bouge pas !

Instantané

Diagonale

Du sable intransigeant,
Allons donc ce pressentiment,
Au terrier de nos engagements,
Visible est notre flétrissure,
Mais, de la diagonale,
Mes mots n'ont rien amputé.
Les folies d'un loup de mer,
Je te suis pas à pas,
A l'ombre d'une fougère,
Récit de mes pas indolents,
Les mains plongeant jusqu'aux vagues,
Je te veux présente,
Assise sous un arbre,
Parlant savamment de nos constellées amantes.
Je te veux étrange et limpide,
Bruissée de nos silences,
Quand ton regard puise,
Au lointain d'une tourelle,
Je te veux profonde et exquise,
Marchant droit alors que frissonne le doux matin.  
Instantané

Vaisseau de nuit

Le vaisseau de nuit,
Sans embrun ni fragments,
La beauté de l'instant.

Fracassée de ces mots,
L'eau susurre, 
Les yeux nervures,
Le songe d'un lendemain.

La lumière jette un clair-obscur,
Pourquoi ces brisures,
Implantées dans les mots sans fin ?

Viens ! ma chair auprès de mes jours,
Cherche mes noirceurs,
Mon indécise césure,
La brume de mon cœur.
journal posthume

Venelle

Le temps d’un embrasement, j’ai perçu un peu de répit. Ce sang vermeil qui galope dans les plaines et va rejoindre le lointain rivage de ceux que l’on aime. Et si l’amour était une pointe que l’on plante dans le creux d’un murmure ? Je sais que là-bas, les sèves d’une possible joie me surprennent. Ton petit cœur, femme éternelle, a le jus d’une tourterelle. Quand, passant par une venelle, je surprends le chant d’un battement d’aile, il me semble que tout n’est pas vain.

journal posthume

Etoiles fixes

Plus qu’un corps, une voix et plus qu’une voix, un regard, et plus qu’un regard, une joie. Le soleil peut disparaître et les étoiles filer dans une autre constellation, dans tes yeux, j’ai vu ton corps, et par ton corps, j’ai vu ton regard. De cette élasticité qui vient de la lumière, à l’aurore où tout se tait, quand tu viens plus près, ma Grande Ourse, mon Orion, ma Gazelle depuis Céphée jusqu’à la Voie Lactée, brillante, mes étoiles fixes et celles de l’Epée, combien de nuits à toutes les répertorier sur ton âme chétive et mon âme enfiévrée ?

Non classé

Le poids de la journée

Le matin, elle avait les idées claires. Elle préparait le café, les tartines de pain, en silence. Puis, quand nous étions l’un face à l’autre, tout en buvant lentement le café fumant, je sentais qu’elle allait parler. Ce n’était pas du bavardage. C’était une montée de mots jaillis, mûris dans la nuit, comme un bon vin. Quand, je partais au lycée, elle faisait mine de s’activer dans les autres pièces, puis, au moment où je franchissais le seuil de la porte, elle se mettait sur la pointe des pieds et m’embrassait. Elle disait, chaque jour : Que ton jour de travail soit beau ! Quand je rentrais, elle se précipitait à l’entrée avec un grand éclat de rire et courait le long du couloir pour que je l’attrape. Elle avait instauré ce rite avec un grand naturel. J’avoue que la porter me délestait du poids de la journée, du lourd poids de la journée. Elle me redonnait le sourire. Mais, je ne lui souriais jamais. J’entrais avec le visage sombre. Elle riait et me lançait : Voici le visage oblongue ! Alors, elle me chatouillait le menton, le cou. J’étais de marbre. Quand j’éclatais de rire, à l’occasion, elle courrait avec un empressement quasi juvénile vers moi et riait à n’en plus finir : J’aime tant ton rire, me disait-elle.

journal posthume

Sans achat

Une histoire d’homme, une histoire de corps, puis une histoire pour y voir. Le corps trace sa vie comme on trace un sillon, et l’homme aime encore le corps d’une femme qui prend les plis du temps, les plis du ventre, les plis des jours, des peines et des joies. Un homme voit apparaître la ride rude de la vie sur le noble visage, puis caresse le long des doigts légers cette écriture sage. Il embrasse la première tâche brune et voit par le regard qui ne s’achète pas. L’homme des jours, l’homme de tous les jours, plonge dans ce qui ne se voit pas et qu’il est le seul à voir.