L’étudiant éternel, voilà celui que je suis. Je ne sache pas être autrement. Voilà pourquoi je suis souvent absent ici. Il m’arrive de rester durant des jours dans mon atelier. Je restaure quelques vieux outils. Comme de coutume, Édouard passe me voir et nous conversons assez longuement. Je suis aussi en train de réviser mes cours d’astrologie et d’astronomie. Il s’agit d’éléments de connaissances qui nous aident à charpenter notre relation avec l’autre. Je ne suis certainement pas un bon élève, mais j’aime apprendre. Apprendre, c’est surtout désapprendre. Sans cela, je crois que nous sommes tous bons pour la camisole. Et, l’on peut dire que le monde en est à ce stade. Ce qui m’insupporte c’est le suivisme des uns et des autres, comme si nous étions incapables d’être originaux, singuliers et tutti quanti. La laboriosité des poètes, des écrivains me sidère. Je crois que nous patinons sur de la semoule. Le monde est ingénieux mais guère créatif. Quand j’écris, je me sens à la limite de l’écartèlement. Je transpire les mots. Ils me broient, me martèlent, m’usent jusqu’à l’os. Cette fraîcheur est le fruit du labeur. Il est des êtres qui écrivent comme des fous et entrent dans l’onde mirifique de leur âme. Poètes scolaires et poètes de l’heure. Leurre ou l’heure ? C’est comme la musique : il y a des musiciens scolaires et qui savent bien faire et ceux qui vous lancent la flèche inépuisable jusqu’au cœur. Vous êtes bouleversés pour de longs moments. Si la poésie ne parle pas à mes tripes, si elle ne relance pas le véritable sort de l’Albatros, si elle ne vient pas vous heurter dans votre confort, si elle ne vous arrête pas, que dire ? La poésie n’est pas un ornement de gosses de riches, sans étincelle. La poésie. C’est l’essence de notre vie, l’épée de notre incarcération. Fine et tranchante, lumineuse et aimante. Vraie !
Étiquette : écriture
Atome
Le poète foudroie les mots, Fait éclater l'atome, Sans être consumé.
Inspiration
Là, j'ai l'âme suzeraine, Tant pis pour le reste, La nuit éclot.
Diagonale
Du sable intransigeant, Allons donc ce pressentiment, Au terrier de nos engagements, Visible est notre flétrissure, Mais, de la diagonale, Mes mots n'ont rien amputé. Les folies d'un loup de mer, Je te suis pas à pas, A l'ombre d'une fougère, Récit de mes pas indolents, Les mains plongeant jusqu'aux vagues, Je te veux présente, Assise sous un arbre, Parlant savamment de nos constellées amantes. Je te veux étrange et limpide, Bruissée de nos silences, Quand ton regard puise, Au lointain d'une tourelle, Je te veux profonde et exquise, Marchant droit alors que frissonne le doux matin.
Vaisseau de nuit
Le vaisseau de nuit, Sans embrun ni fragments, La beauté de l'instant. Fracassée de ces mots, L'eau susurre, Les yeux nervures, Le songe d'un lendemain. La lumière jette un clair-obscur, Pourquoi ces brisures, Implantées dans les mots sans fin ? Viens ! ma chair auprès de mes jours, Cherche mes noirceurs, Mon indécise césure, La brume de mon cœur.
La poésie facile
Certains ont la poésie qui sonne faux, à couper les herbes rases, à dire ce qu’ils n’ont jamais vécu. Qu’ils approchent par le mot ces lignes blanches, ils en font un instrument de torture et de dissonance pour ceux qui puisent dans leur sang. La chair des mots, la chair des dents, la peau arrachée, la nudité écorchée, ensablée et dont on a vêtue de sel pour des saisons que l’on tait avec pertinence. Que sait-on des lunes qui passent, et des aubes qui s’attardent ? Que sait-on du chant des amours broyés par les ouragans ? Du crépuscule, des sempiternels mensonges. Quelques miettes et quelques vomissements.
Venelle
Le temps d’un embrasement, j’ai perçu un peu de répit. Ce sang vermeil qui galope dans les plaines et va rejoindre le lointain rivage de ceux que l’on aime. Et si l’amour était une pointe que l’on plante dans le creux d’un murmure ? Je sais que là-bas, les sèves d’une possible joie me surprennent. Ton petit cœur, femme éternelle, a le jus d’une tourterelle. Quand, passant par une venelle, je surprends le chant d’un battement d’aile, il me semble que tout n’est pas vain.
Etoiles fixes
Plus qu’un corps, une voix et plus qu’une voix, un regard, et plus qu’un regard, une joie. Le soleil peut disparaître et les étoiles filer dans une autre constellation, dans tes yeux, j’ai vu ton corps, et par ton corps, j’ai vu ton regard. De cette élasticité qui vient de la lumière, à l’aurore où tout se tait, quand tu viens plus près, ma Grande Ourse, mon Orion, ma Gazelle depuis Céphée jusqu’à la Voie Lactée, brillante, mes étoiles fixes et celles de l’Epée, combien de nuits à toutes les répertorier sur ton âme chétive et mon âme enfiévrée ?
Pudeur
De pudeur surprise, Légèreté, Ô ma Vénus ! J'aime tes pas.
Remonter le courant
Remonter le courant clair des rivières, remonter à la source et victoire ! Ne plus se laisser rampant sur un sol stellaire, y cueillir une ondée, une gloire. Une femme fait un homme et un homme fait une femme. Il cogne ce nouveau cœur, il cogne et vient se ressourcer à la voix étrange d’une âme, forgée d’écume et de flamme. La lumière d’un cœur, d’un seul cœur dans la nuit, et les jours sont soudain ce saumon nageant depuis la mer, bravant mille et une roches séculaires. Dans l’aspérité d’une transpiration, à tes écailles flamboyantes, sur les feux du soleil grisant, le voyage devient, certes, une épopée.