humour mordant

Homo blablatus

C’est dit et fait : je ne crois plus en l’homme ! Bon ! je n’y ai jamais vraiment cru. Trop pas assez cuit. Non ! Non ! Je ne crois pas du tout en l’homme. On nous a bassiné depuis l’enfance : Ne croyez en rien, ni Dieu, ni père, ni mère. Oh ! Les sauvageons ! Anarchistes amers. Les pâquerettes, les petits oiseaux et la cour des pégueux. Ce monde périt d’incroyance ! La petite monnaie qui sonne creux et les croisières du dimanche. Ne pas y croire ! Ne pas croire c’est ne pas être. Cela tourne en rond. Les folies bergères, et les amuse-gueules. Hé ! Fred ! Ne charrie pas ou tu finiras dans l’caniveau. Non ! Non ! Je vous le dis sans détours : je ne crois pas à la poésie, ni aux petits mots, ni aux déguisements, ni aux mielleux propos, ni à la poudre de perlimpinpin. Quelle belle mascarade cet homme ! Et bla bla bla ! Et bla bla bla ! A se taper le cul par terre ! Si vous y croyez encore, je n’y crois pas non plus.

journal posthume

Corps

Un homme oublie volontiers son corps. Il oublie les circuits intérieurs, les tubes digestifs, les alvéoles, les cellules et le sang qui coule, comme par miracle, dans les veines. La peau s’allège en vieillissant, et au naturel, le visage d’une femme, nimbé de vie, nous raconte les pays traversés, les émouvantes larmes, le chemin dépoussiéré, au creux des roches. Un homme oublie volontiers la complexité de sa machine organique, fasciné par les technologies qui ne sont que de pâles copies. Abrupt, le corps nous parle et il est tantôt montagnes, tantôt surfaces lisses, prairies nacrées, ruissellement de temps et éternité mouvante. En cet instant, je me souviens. Présent d’un langage basique, mais d’une haute voltige. Je palpe les rides d’une mère, les prémices d’une peau de velours, le rire de pêche d’un nouveau né, et la soie ivre des jours alanguis de femme suave. L’homme oublie volontiers la source originelle de telles émanations de vie. Une main, éclairée de jour, la présence de jade et le toucher translucide.

journal posthume

Derniers des mohicans

Dans les campagnes reculées de France, j’ai rencontré des hommes. Ils sont comme les derniers indiens des plaines. Je sens leur âme pleine. Des rides sur le front, mais des mains qui sentent encore la terre. Je préfère leur sueur âcre du soir, leur démarche un peu débonnaire, leur grognement salutaire et leur langue peu loquace, aux déprimés des villes, aux viles âmes des rues mortifères. Quand l’homme aura perdu ses prétentions, il sera le paysan qui laboure en silence son champ. Qu’il s’appelle Michel, Jérôme ou Salomon, j’ai ri en frottant mon verre au leur. Ils ne sont points nigauds et d’une œillade chatouilleuse, me font comprendre qu’ils ne sont pas dupes de leur temps.