journal posthume

Liberté

Le monde du paraître est un monde dont on guérit difficilement. Dans le fond, il s’agit d’une grande maladie actuelle et même, d’une maladie irrépressible. Si je ne parais pas, je n’existe pas. Exister à travers le regard de l’autre est une façon inavouée de se donner la bonne image de soi. Le problème, dans ce jeu carnavalesque, c’est que l’on finit par porter des masques à l’infini. Le monde va tellement mal qu’il ne sait plus qu’il va mal. Allez dire à quelqu’un qu’il n’est pas lui-même, il vous regardera comme son pire ennemi. A force de vivre seul, je me demande si les arbres me voient ? Suis-je même dans l’attente de leur regard ? Bon ! la nature très riche et très rude vous dépouille de vous-même. Je peux vous le garantir. C’est une abondance sans artifice. J’ai les mains écorchées par les branches, par mes manœuvres maladroites, et ces mains sont définitivement rugueuses : un enseignant à la retraite, qui devient le plus analphabète des bûcherons improvisés. Ah ! mais j’apprends. Pour me débarrasser des immondices de la ville, me voici à plonger le nez dans certains autres excréments.

Instantané

Clameur

Comètes et lustres,
A la forge de l’airain,
En coupe, s’illustre mon vin,
Bientôt sonneront les blancheurs.
La nuit, les loups ne font pas peur.
Cet ours a quelque chose de Divin,
A ses griffes, un long chemin.
Les roches pleurent le matin,
Face à face les gens du silence,
Puis trépignent mes impatiences,
Au longueur d’une marche,
Les vents lointains,
Soudain, la forêt s’exclame :
Ici, ou là-bas, ceux qui ne savent rien !
Le secours d’une clameur,
L’étrangeté d’une voix.

Crépuscule

Le rêve

Au jour où tout sombre à l'horizon,
Vermeil, comme un jeune faon,
Près d'un chêne, aux aguets,
Quand l'oiseau boit un peu de rosée,

Juvéniles pensées célébrant la laitance,
-Pour avoir parcouru quelque distance,
Voici la mésange donnant la béquée,
Et un lapin comme stupéfait.

-D'un jour commun, mais aussi d'une œuvre,
Tenant bien son solide bâton,
Chantant l'Ave Maria comme une épreuve,
Sonnera-t-il ce lointain carillon ?

La rivière avec ses méandres clairsemés
Se trouble de son passage idyllique,
Car, en tirant son harmonica encore muet,
Il voit frémir toute une faune aquatique.

Les truites disparurent et plonge la grenouille,
Les clapotis se troublent et l'onde grouille ;
Quelques rochers ont des soupirs de vierges,
Tandis que le soleil effleure à peine les berges.  

On entendait le silence haletant,
Le rossignol se cachait comme un vieil amant,
Des grillons, nulle stridulation lancinantes,
Du rêve, qui s'échappe soudain de la branche ?


journal posthume

Simplicité

22 mars 2020

Certains êtres nous inspirent, et nous n’y pouvons rien. On pressent dans leur sein la blancheur d’une frémissante colombe. Il suffit d’un mot, d’un regard, et tout notre être s’immisce dans leur monde, incursion à peine avouable. Combien de fois avons-nous été saisi par cette impression de bonté naturelle, de nature simple ? La simplicité, tel est le maître mot. Envahissement de ressentis. Certains êtres existent pour qu’on leur dise avec ferveur qu’ils sont beaux. Mais notre voix demeure paralysée au fond de notre gorge. Je ne sais pas en dire plus. Tout à l’heure, les peupliers et les saules nous ont salué avec la force altière des arbres. La forêt est une amie de longue date.