
Nous avions une guitare et le feu pour seul compagnon. Au loin, comme une plainte, un long gémissement, un frisson dans la nuit, les loups hurlaient à vous fendre les os. Je n’osais bouger, glacé par cette présence pesante et malgré le grand feu qui crépitait, les flammes gagnant toujours plus de hauteur, j’osais à peine respirer. Ils continuaient de lancer au ciel leur imprécation. Ou bien s’agissait-il d’autre chose ? Je fus pris du désir ardent de les comprendre, de saisir leur langue, de parler comme eux. Je les imaginais sans peine, dans la forêt profonde. Je me souvins de Jack London, de son puissant Appel de la forêt. Combien de fois l’avais-je lu ? Combien de fois avais-je partagé mon enthousiasme avec Jean-Marie ? Etais-je en train de délirer ? Cette noblesse chez les bêtes m’a toujours fasciné, et à part quelques unes d’entre elles, en particulier la hyène, j’aime leur force et leur incroyable sagesse. Une fois de plus, l’appel retentit. Le loup argenté apparut et se tenant à la lisière de la forêt, il me fixa des yeux. Nous nous regardâmes durant un moment qui me sembla long et surnaturel. Si je vous dis que je me suis retenu de pleurer, me croirez-vous ? Et si je vous dis que la peur avait complétement disparu, me croirez-vous aussi ? Qu’était-il à me transmettre, ce loup, dont la sagesse ancestrale était certaine, elle, qui m’avait submergé et avait réchauffé mon corps ?